Septième article d'une série consacrée à l'achat d'un bien immobilier aux enchères publiques du point de vue de l'avocat :
Acheter aux enchères publiques (1) : l'avocat
Acheter aux enchères publiques (2) : le client
Acheter aux enchères publiques (3) : la lutte contre les marchands de sommeil
Acheter aux enchères publiques (4) : l'immeuble
Acheter aux enchères publiques (5) : l'audience d'adjudication
Acheter aux enchères publiques (6) : la translation de propriété et l'entrée en jouissance de l'adjudicataire
Acheter aux enchères publiques (7) : le coût de l'adjudication
Acheter aux enchères publiques (8) : les démarches à effectuer après l'adjudication (en cours)
Les sommes à payer
Si votre client est déclaré adjudicataire , il devra payer :
Le prix de l’adjudication
S'il n'a pas déjà été consigné, vous devrez consigner le chèque de banque que le client vous aura remis et qui représente 10 % du montant de la mise à prix dans le respect d’un plancher de 3 000 € après l’audience auprès du séquestre désigné dans le cahier des conditions de vente, c’est-à-dire en règle générale auprès du Bâtonnier de l’Ordre des avocats de votre barreau.
Ainsi, votre client devra vous adresser le règlement du solde, c’est-à-dire du prix de vente sous déduction des sommes d’ores et déjà encaissées.
Les frais taxés
Les frais taxés par le juge englobent les frais de procédure et les émoluments fixes dus à l’avocat du créancier poursuivant au titre des diligences accomplies. Ces frais seront généralement payés par chèque libellé à l’ordre CARPA pour que l’avocat du créancier poursuivant puisse les redistribuer entre son client (au titre des frais avancés) et lui-même (au titre des émoluments fixes).
Les émoluments des avocats du vendeur et de l’acquéreur
Outre les émoluments fixes, l’adjudication donne lieu à un émolument dont les règles de calcul sont données aux articles A. 444-191 et A. 444-102 du code de commerce, qui établissent le barème suivant :
L’émolument proportionnel est ensuite attribué aux 3/4 à l’avocat du créancier poursuivant, et aux 1/4 à l’avocat de l’adjudicataire. Ainsi, un immeuble adjugé au prix de 150 000 € donne lieu à l’allocation d’un émolument de 3 049,19 € HT revenant pour 2 286,89 € HT à l’avocat du créancier poursuivant et pour 762,30 € HT à l’avocat de l’adjudicataire.
Je vous précise que l’excellente Association des avocats praticiens des procédures civiles d’exécution (AAPPE) a mis en libre téléchargement un tableur permettant d’établir l’état de frais du créancier poursuivant (qui ne vous intéressera pas), mais également de calculer le montant des émoluments en fonction des différents types de vente (amiable, sur adjudication , etc.).
Les droits de mutation au Trésor public
Une fois que le greffe des adjudications aura établi le titre de vente, il l’adressera au Trésor public pour enregistrement. L’enregistrement entraînera la demande de paiement des droits de mutation qui sera adressée soit à l’avocat de l’adjudicataire, soit à l’adjudicataire directement, selon les coutumes locales.
Le montant des droits de mutation peut varier dans certains cas de figure, néanmoins l’hypothèse la plus classique concernera l’adjudication d’un immeuble ancien pour lequel la formule est :
Montant de l’adjudication * 4,50 % = A
Montant de l’adjudication * 1,20 % = B
A * 2,37 % = C
Montant des droits de mutation = A + B + C
Par exemple, si le prix d’adjudication est de 10 500 € :
10 500 * 4,50 % = 472,5
10 500 * 1,20 % = 126
472,5 * 2,37 % = 11
Montant des droits de mutation : 609,70 €
Attention ! Le montant des droits de mutation repris ci-dessus correspond à l’hypothèse d’une vente classique d’un immeuble ancien.
Par ailleurs, si l’immeuble est soumis au régime de la TVA, alors le prix de vente est hors taxe. L’article 17 des conditions générales du cahier des conditions de vente précise que :
Dans ce cas, l’acquéreur devra verser au Trésor, d’ordre et pour le compte du vendeur (partie saisie) et à sa décharge, en sus du prix de vente, les droits découlant du régime de la TVA dont ce dernier pourra être redevable à raison de la vente forcée , compte tenu de ses droits à déduction, sauf à l’acquéreur à se prévaloir d’autres dispositions fiscales et, dans ce cas, le paiement des droits qui en résulterait sera libératoire.
Vous noterez également que les marchands de biens sont exonérés de droits de mutation à condition de revendre dans un délai de 5 ans ; délai réduit à 2 ans s’il y a dans les lieux un locataire / un occupant de bonne foi ou dans le cadre d’une vente à la découpe.
A défaut de revendre dans le délai imparti, l’acquéreur marchand de biens est redevable des droits de mutation, outre diverses sommes et pénalités qui devront faire l’objet d’une note spécifique consacrée à la fiscalité des sociétés de marchand de biens.
Les frais de publication du titre de vente à la publicité foncière
La publication du titre de vente au service de la publicité coûtera à votre client 0,10 % du prix d’adjudication, par exemple 200 € pour un immeuble adjugé au prix de 200 000 €.
Le coût du justificatif de publication du titre de vente
Vous aurez l’obligation de fournir à l’avocat du créancier poursuivant un état sur publication du titre de vente (point qui sera abordé dans l’article consacré au titre de vente), dont la commande coûtera 12 € par parcelle cadastrale et / ou par lot de copropriété, outre 2 € de frais de port.
Les contributions et charges
L’article 21 du cahier des conditions de vente dispose :
L’acquéreur supportera les contributions et charges de toute nature, dont les biens sont ou seront grevés, à compter de la date du prononcé du jugement portant sur la vente forcée.
Si l’immeuble vendu se trouve en copropriété, l’adjudicataire devra régler les charges de copropriété dues, à compter de la date du prononcé du jugement portant sur la vente forcée.
En ce qui concerne la taxe foncière, il la remboursera au prorata temporis à première demande du précédent propriétaire et sur présentation du rôle acquitté.
L’obligation au paiement de la taxe foncière au prorata temporis doit être soulignée, car elle n’était pas rappelée par le modèle de cahier des conditions de vente annexé au Règlement intérieur national jusqu’à récemment. Ainsi, il arrive que les versions des cahiers des conditions de vente utilisés par les créanciers poursuivants ne soient pas à jour et ne rappellent pas cette obligation. Le cas échéant, il vous incombera de la rappeler à votre client.
Synthèse
Les délais de paiement
Les frais taxés, les émoluments et le prix de vente doivent être payés dans les 2 mois qui suivent l’audience d’adjudication . Vous recommanderez à votre client d’attendre l’expiration du délai de préemption de 1 mois pour purger à la fois le délai de surenchère de 10 jours et de préemption de 1 mois.
Votre client devra ainsi payer entre +1 et +2 mois à compter de l’audience d’adjudication, à peine de pénalités de retard et / ou de réitération des enchères (cf. ci-après).
Les droits de mutation devront être payés dans le délai de 1 mois qui suivra le courrier de demande de paiement qu’émettra le Trésor public. Ce courrier ne sera pas obligatoirement adressé par lettre recommandée et il pourra être transmis à l’avocat comme au client, selon les coutumes locales. Ainsi, vous recommanderez à votre client de provisionner le montant des droits de mutation que vous calculerez au préalable pour qu’il parvienne à s’en acquitter dans le délai très court dont il disposera pour le faire.
La sanction du défaut de paiement
Le prix de l’adjudication, les frais taxés et les droits de mutation doivent être payés dans leurs délais respectifs (2 mois à compter de l’audience et 1 mois à compter de la demande du Trésor public). A défaut :
- L’adjudicataire sera redevable d’intérêts au taux légal à partir de +2 mois et au taux légal majoré à partir de +4 mois après l’audience d’adjudication. Le créancier de votre client ne sera pas le créancier poursuivant à la procédure de saisie immobilière (la banque, le syndic) mais le débiteur saisi (généralement, un particulier). En effet, l’adjudication de l’immeuble dépossède le débiteur de son bien immobilier, mais pas de ses deniers qui seront séquestrés afin d’être distribués entre tous ses créanciers. Dès lors qu’il demeure propriétaire des fonds, il acquiert la qualité de créancier de l’adjudicataire défaillant et les pénalités de retard dont ce dernier devra s’acquitter seront séquestrées pour être distribuées à ses créanciers dans le cadre de la procédure de distribution.
Très concrètement, cela signifie que la majeure partie du temps, le taux légal applicable sera le taux entre particuliers qui est généralement compris entre 3 et 4 points. Sa majoration signifiera que votre client sera débiteur d’intérêts dont le taux sera compris entre 8 et 9 %. Vous ne manquerez pas de le signaler à votre client pour qu’il s’acquitte du paiement du prix sans retard. - Par ailleurs, si le créancier poursuivant le souhaite pas attendre le paiement du prix car votre client accumule trop de retard, il pourra engager une procédure de réitération des enchères. Dans cette hypothèse, votre client devra payer les frais taxés de la première vente, les intérêts au taux légal sur son enchère jusqu’à la nouvelle vente et perdra toutes les sommes séquestrées.
Exemple n° 1 : l’adjudication est constatée au prix de 150 000,00 €. Le prix et les frais taxés sont payés dans le délai de 2 mois, mais pas les émoluments qui restent impayés au bout de 4 mois. Le vendeur engage une procédure de réitération des enchères. L’intégralité des sommes déjà payées sont perdues.
Exemple n° 2 : l’adjudication est constatée au prix de 150 000,00 €. Le chèque de 10 % a été encaissé mais le solde du prix n’a pas été payé, pas plus que les émoluments et que les frais taxés. Le vendeur engage une procédure de réitération des enchères après 5 mois. Le chèque de 10 % est perdu (15 000,00 €), le vendeur peut engager une procédure pour obtenir le paiement des frais taxés.
Exemple n° 3 : l’adjudication est constatée au prix de 150 000,00 €. Le chèque de 10 % a été encaissé dans le délai de 2 mois, mais le solde du prix, les frais taxés et les émoluments ont été payés à +5 mois. Des intérêts seront dus au taux légal (0,90 %) de +2 à +4 mois, puis au taux légal majoré de 5 points (5,90 %) de +4 à +5 mois.
Exemple n° 4 : l’adjudication est constatée au prix de 150 000,00 €. L’adjudicataire paye 150 000,00 €, les frais taxés et les émoluments, mais pas les droits de mutation. Le créancier poursuivant engage une procédure de réitération des enchères au bout de 9 mois. L’adjudicataire perdra l’intégralité des sommes déjà payées (y compris les 150 000,00 €) qui deviendront la propriété du débiteur saisi pour être distribuées aux créanciers inscrits, et devra payer des intérêts au taux légal majoré sur 150 000,00 € jusqu’à l’audience de réitération des enchères qui aura lieu 4 à 6 mois après le moment où cette procédure aura été engagée.
Cet article a été écrit par Raphaël MORENON. |
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