Cinquième article d'une série consacrée à l'achat d'un bien immobilier aux enchères publiques du point de vue de l'avocat :
Acheter aux enchères publiques (1) : l'avocat
Acheter aux enchères publiques (2) : le client
Acheter aux enchères publiques (3) : la lutte contre les marchands de sommeil
Acheter aux enchères publiques (4) : l'immeuble
Acheter aux enchères publiques (5) : l'audience d'adjudication
Acheter aux enchères publiques (6) : la translation de propriété et l'entrée en jouissance de l'adjudicataire
Acheter aux enchères publiques (7) : le coût de l'adjudication
Acheter aux enchères publiques (8) : les démarches à effectuer après l'adjudication (en cours)
La préparation de l’audience d’adjudication
Après avoir contrôlé le respect de vos obligations déontologiques, vérifié l’identité de votre client et pris connaissance du cahier des conditions de la vente et du procès-verbal descriptif, vous devrez vous munir, en vue de l’audience d’adjudication :
D'un chèque de banque
Il doit être libellé à l’ordre Madame / Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats ou d’une caution bancaire irrévocable d’un montant égal à 10 % de la mise à prix, avec un minimum de 3 000,00 €.
Cette obligation résulte de l’article R. 322-41 du code des procédures civiles d’exécution, qui vous impose de remettre à votre client un récépissé reproduisant ses 3e et 4e alinéas, qui disposent respectivement :
La somme encaissée par le séquestre ou la Caisse des dépôts et consignations est restituée dès l'issue de l'audience d'adjudication à l'enchérisseur qui n'a pas été déclaré adjudicataire.
Lorsque l'adjudicataire est défaillant, la somme versée ou la caution apportée est acquise aux créanciers participant à la distribution et, le cas échéant, au débiteur pour leur être distribuée avec le prix de l'immeuble.
La mention relative à l’encaissement laisse à penser que le chèque est obligatoirement remis au séquestre (c’est-à-dire au Bâtonnier) ou à la Caisse des dépôts et consignations. En pratique, l’organisation des audiences varie beaucoup d’un Barreau à l’autre.
Au Barreau de Marseille par exemple, l’avocat doit simplement se présenter à l’audience muni du chèque. S’il est déclaré adjudicataire et qu’un confrère exige qu’il prouve qu’il dispose du chèque de banque ou de la caution bancaire irrévocable, et qu’il n’est pas en mesure de produire cette pièce, alors son enchère est annulée au motif qu’elle est irrégulière. Dans d’autres barreaux, les chèques de banques sont recueillis par un représentant de l’Ordre local à l’entrée de la salle d’audience et restitués à la sortie. Vous devrez vous renseigner auprès de votre ordre, de votre juridiction ou de vos confrères pour connaître les us et coutumes de votre juridiction en la matière.
Le quatrième alinéa (le deuxième cité ci-dessus) sera abordé ultérieurement.
D’un pouvoir vous autorisant à pousser les enchères
Sous l’empire de l’ancien texte, lorsqu’un avocat n’avait pas de pouvoir, il était déclaré adjudicataire de l’immeuble au prix de sa dernière enchère. Cette sanction a été supprimée à l’occasion de la réforme de la procédure de saisie immobilière de 2006 et le nouveau texte ne prévoit aucune sanction spécifique.
Dans une espèce plus récente, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Marseille qui avait condamné un avocat à s’acquitter des frais taxés d’une vente pour laquelle il n’avait pas de pouvoir, avant de renvoyer l’affaire à une audience d’incident pour ordonner la remise en vente de l’immeuble.
Ainsi, disposer d’un pouvoir au dossier vous permettra de vous protéger du client qui contesterait l’existence d’un mandat pour pousser les enchères en son nom.
J’attire votre attention sur la nécessité de mentionner le montant de l’enchère maximale sur le pouvoir, et de ne pas la dépasser, sauf à vos risques et périls. Cela soulève de nombreuses difficultés en pratique car les clients demandent régulièrement à leur avocat de dépasser le montant du mandat lorsqu’ils sont pris au jeu des enchères.
Chaque confrère a ses propres astuces pour palier à la difficulté, personnellement je numérise une photocopie de la pièce d’identité du client avec ses signature, numéro de mobile et adresse email pour certifier ses moyens de communication, et je régularise un mandat qui prévoit expressément que le montant de la dernière enchère pourra être modifié sur simple demande effectuée par SMS émanant du numéro de mobile indiqué, lequel doit correspondre à celui noté sur la photocopie de la pièce d’identité. Pour ce que cela vaut…
D’une attestation de non-condamnation du client
Cette attestation de non-condamnation a d’ores et déjà été amplement évoquée et je vous renvoie à l’article Acheter aux enchères publiques (3/6) : la lutte contre les marchands de sommeil à ce sujet.
Pour le surplus, vous pourrez interroger l’avocat du créancier poursuivant au sujet du montant des frais taxés, dont le montant est généralement connu dans la semaine qui précède la vente, pour que votre client puisse déterminer le montant jusqu’auquel il est prêt à pousser les enchères.
Généralement, le montant des frais taxés est compris entre 5 000 € et 7 000 €, mais vous pourrez également avoir de mauvaises surprises lorsque des complications d’ordre procédural ont entraîné une inflation de leur montant.
Synthèse
Quoi ? | Pourquoi ? |
Si le client est une personne physique, recueillir les pièces suivantes : pièce d'identité, justificatif de domicile et copie du contrat de mariage. Si le client est une personne morale, recueillir les pièces suivantes : statuts à jour, extrait Kbis et pouvoir si le client n'est pas le représentant légal de la société. |
Identification du client au sens des articles 6 et 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, respect des obligations légales résultant de l’article 8 alinéa 2 des dispositions générales du cahier des conditions de vente |
Se procurer avant l’audience une caution bancaire irrévocable ou chèque de banque de 10 % du montant de la mise à prix de l’immeuble | Article R. 322-41 alinéa 1 du CPCE |
Remettre au client un récépissé de remise du chèque ou de la caution bancaire irrévocable | Article R. 322-41 alinéa 2 du CPCE |
Se procurer avant l’audience une attestation de non-condamnation | Articles L. 322-7-1 et R. 322-41-1 du CPCE |
Se procurer avant l’audience un pouvoir pour enchérir | Article R. 322-46 du CPCE |
Le déroulement de l’audience d’adjudication
L’avocat du créancier poursuivant ou, à défaut, l’avocat d’un créancier inscrit, requerra la vente aux enchères publiques des biens et droits immobiliers saisis.
Sa réquisition rappellera le montant des frais taxés, c’est-à-dire le montant des frais de procédure qu’il aura préalablement soumis au juge de l’exécution pour taxation. Ces frais seront mis à la charge de l’adjudicataire.
Une fois sa réquisition terminée, il proposera le pas d’enchère, c’est-à-dire le montant minimum séparant deux enchères (en règle générale, le pas d’enchère est de 1 000 €) que le juge acceptera avant d’ordonner la vente des biens et droits saisis.
C’est alors seulement que le chronomètre commencera et que vous pourrez pousser les enchères. Vous n’aurez qu’à annoncer le montant de l’enchère que vous portez, c’est-à-dire le montant du pas d’enchère ou un multiplicateur, suivi de votre nom.
La déclaration d’adjudicataire
Si votre client est déclaré adjudicataire , vous devrez déclarer au greffier l’identité de votre mandant et lui remettre l’attestation de non-condamnation évoquée précédemment, conformément à l’article R. 322-41-1 du code des procédures civiles d’exécution.
Concrètement, le greffier vous remettra un feuillet que vous devrez remplir en reprenant toutes les informations nécessaires à l’identification de votre client au sens des articles 5 et 6 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.
Vous disposerez d’un délai de 3 jours ouvrés pour compléter (et non pas modifier) les renseignements d’identité s’ils sont incomplets au regard des exigences de la publicité foncière, par simple déclaration au greffe.
L’article R. 322-61 du code des procédures civiles d’exécution, qui le prévoit, ajoute qu’en cas de difficulté, le greffe en réfère au juge qui statue par ordonnance non susceptible d’appel.
Cet article a été écrit par Raphaël MORENON. |
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