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Les droits du locataire en matière de saisie immobiliere

Les textes étaient parfaitement clairs : le bail conclu avant la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière était opposable au créancier poursuivant ainsi qu’à l’acquéreur, tandis que le bail conclu après cette délivrance leur était inopposable. Et puis la cour de cassation est venue mettre son grain de sel.

L’inopposabilité du bail conclu après la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière

Le code des procédures civiles d’exécution était pourtant parfaitement clair. En effet, le premier alinéa de son article L. 321-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :

Les baux consentis par le débiteur après l'acte de saisie sont, quelle que soit leur durée, inopposables au créancier poursuivant comme à l'acquéreur.

Cette règle est une conséquence de l’un des effets les plus importants du commandement de payer valant saisie immobilière. Celui-ci, à compter de sa délivrance au débiteur, entraine l’indisponibilité de l’immeuble, comme l’indique l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution :

"Outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte :
(…)
6° L'indication que le commandement vaut saisie de l'immeuble et que le bien est indisponible à l'égard du débiteur à compter de la signification de l'acte et à l'égard des tiers à compter de la publication de celui-ci au fichier immobilier."

En effet, l’indisponibilité de l’immeuble restreint le droit de jouissance du débiteur qui ne peut plus disposer de son bien librement, et par conséquent qu’il ne pourra pas le vendre, l’hypothéquer ou… le donner à bail, en tout cas pas sans l’accord de ses créanciers.

L’inopposabilité des baux consentis après la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière est ainsi l’expression très concrète du principe d’indisponibilité du bien immobilier à compter de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière.

Cette règle est d’ailleurs reprise dans le modèle des dispositions générales du cahier des conditions de vente dont le Règlement intérieur national de la profession d’avocat impose l’utilisation :

"Article 4 - Baux, locations et autres conventions
L'acquéreur fera son affaire personnelle, pour le temps qui restera à courir, des baux en cours.
Toutefois, les baux consentis par le débiteur après la délivrance du commandement de payer valant saisie sont inopposables au créancier poursuivant comme à l'acquéreur. La preuve de l’antériorité du bail peut être faite par tout moyen.
L'acquéreur sera subrogé aux droits des créanciers pour faire annuler s'il y a lieu les conventions qui auraient pu être conclues en fraude des droits de ceux-ci.
Il tiendra compte, en sus et sans diminution de son prix, aux différents locataires, des loyers qu'ils auraient payés d'avance ou de tous dépôts de garantie versés à la partie saisie et sera subrogé purement et simplement, tant activement que passivement dans les droits, actions et obligations de la partie saisie."

On le voit, cet article précise également la procédure à mettre en œuvre pour combattre contre le bail conclu postérieurement à la délivrance du commandement, à savoir une procédure aux fins d’annulation de celui-ci.

La théorie est très simple… si seulement la cour de cassation n’avait pas rendu une série d’arrêts purement et simplement contra legem, c’est-à-dire contraires aux textes de loi.

Le grain de sel de la cour de cassation

La jurisprudence de la cour de cassation, sous l’empire des anciennes dispositions sur la saisie immobilière , jugeait que tout bail, même conclu postérieurement à la publication d'un commandement de saisie immobilière portant sur l'immeuble loué, était opposable à l'adjudicataire qui en a eu connaissance avant l'adjudication (Civ. 3e, 15 janvier 1976, n° 74-13.676 ; Civ. 3e, 11 février 2004, n° 02-12.762 ; Civ. 3e, 23 mars 2011, n° 10-10.804).

Cela correspond à la quasi-totalité des cas de figure puisque dans le cadre de la procédure de saisie immobilière, l’huissier visite l’immeuble au moins à deux reprises : pour établir le procès-verbal descriptif, et pour le faire visiter avant l’audience d’adjudication. Ainsi, si un locataire est présent dans les lieux, il s’en apercevra et en informera l’avocat du créancier poursuivant, qui se chargera d’en informer les tiers.

Cette jurisprudence avait ainsi pour effet de réduire à néant la règle de l’inopposabilité des baux conclus postérieurement à la délivrance du commandement de payer valant saisie, puisqu’elle l’empêchait d’avoir le moindre effet dans la quasi-totalité des cas de figure.

Cette jurisprudence visait néanmoins l’article 684 de l’ancien code de procédure civile, selon lequel :

Les baux qui n'ont pas acquis date certaine avant le commandement peuvent être annulés et ceux postérieurs au commandement doivent l'être si, dans l'un ou l'autre cas, les créanciers ou l'adjudicataire le demandent.

Le texte permettait ainsi à l’adjudicataire de demander l’annulation du bail, et non son inopposabilité comme le code de procédure civile le prévoit à présent.

Malgré cette évolution des textes, la cour a maintenu sa position au terme d’une décision de sa troisième chambre civile du 9 juin 2016 (n° 15-10.595) :

"Attendu que, pour rejeter la demande en annulation du commandement, l'arrêt retient que le commandement de saisie immobilière a été délivré le 6 octobre 2009 et publié le 1er décembre 2009, que le bail commercial a été consenti par M. Y... le 17 juin 2011 à la société Electronik production en cours de formation dont il est associé et gérant, que l'adjudication a été définitivement prononcée par arrêt du 10 octobre 2012, que le bail est donc inopposable aux consorts X... et que l'absence de mention de la société Electronik production n'altère en rien la validité du commandement de quitter les lieux ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les adjudicataires n'avaient pas eu connaissance de l'existence du bail avant l'adjudication, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;"

Cette solution paraît tout à fait déraisonnable car elle est susceptible de décourager de nombreux acheteurs potentiels à l’occasion d’une vente aux enchères, ce qui pourrait aboutir à une vente à vil prix qui n’est satisfaisante pour personne : le débiteur devra encore d’importantes sommes d’argent  à son créancier.

Maître Raphaël Morenon

Cet article a été écrit par Raphaël Morenon.

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