Je suis toujours surpris lorsqu’un client qui fait l’objet d’une procédure de recouvrement me parle de racheter sa créance. Cette notion complexe a fait l’objet d’une diffusion importante sur internet et il convient de rectifier quelques erreurs d’interprétation importantes.
Avant d’en venir à la notion de rachat de créance en elle-même, quelques bases sont nécessaires.
La cession de créance
Avant toutes choses, il est nécessaire de comprendre que le rachat de créance est une pratique extrêmement courante dans le milieu bancaire. Les établissements de crédit cèdent des portefeuilles de créances lorsqu’elles estiment que les frais de recouvrement sont supérieurs aux gains escomptés.
Les créances sont généralement cédées au moyen d’un acte de cession à des organismes de recouvrement ou à des fonds de titrisation qui, très schématiquement, permettent à des investisseurs d’être payées sous la forme d’intérêts ou de remboursements lorsque les créances sont recouvrées.
Les modalités de cession sont, quant à elles, variées et elles ne sont pas obligatoirement dénoncées au débiteur initial. De fait, l’opposabilité de la cession ne dépend pas forcément de sa dénonce au débiteur initial.
Peut-être vous demandez-vous, à ce stade, ce qu’est exactement une créance ?
Le créancier et le débiteur
Le mot créancier est l’envers du mot débiteur qui est plus courant. Le mot débiteur désigne habituellement le débiteur d’une somme d’argent, c’est-à-dire, en droit, le débiteur d’une obligation de payer ; mais toujours en droit, le débiteur peut être débiteur de n’importe quel type d’obligation, par exemple une obligation de faire, de ne pas faire, de donner, etc. Réciproquement, le mot créancier désigne la personne à qui profite cette obligation.
La banque est votre créancier lorsqu’elle vous a consenti un prêt que vous devez rembourser, et réciproquement vous êtes son débiteur.
Les cessions de créances concernent généralement des créances provenant de prêts à la consommation ou de prêts immobiliers. Les obligations des débiteurs sont soit de nature contractuelle (ex. un prêt à la consommation impayé) ou légales (ex. un jugement condamnant le débiteur à payer, une injonction de payer).
Le rachat de créance, ou droit au retrait litigieux
Alors, le rachat de créance, c’est quoi ?
Lorsqu’une banque cède à une société de recouvrement un portefeuille de créance, celles-ci sont habituellement cédées à vil prix.
Par exemple, une banque cédant à une société de recouvrement un portefeuille de créances d’une valeur totale de 500.000,00 € fixera leur prix à 200.000,00 €. La perte est anodine, dès lors que la banque s’épargne de coûteuses procédures de recouvrement et évite d’être confrontée aux problèmes de solvabilité de ses clients. Le but du jeu, pour l’organisme de recouvrement, sera de couvrir ses dépenses en recouvrant une somme supérieure au prix de rachat du portefeuille.
D’où la possibilité offerte au débiteur de racheter sa créance à son prix de cession. Si la société de recouvrement X a racheté la créance de Monsieur Y au prix de 1.000,00 €. Or, Monsieur Y devait initialement rembourser 5.000,00 € à la banque Z. Lorsqu’il proposera à la société de recouvrement X de racheter sa créance, Monsieur Y ne devra pas payer 5.000,00 € mais 1.000,00 €.
Mais… est-ce vraiment aussi simple ?
Les conditions de mise en œuvre du droit au retrait litigieux
Le rachat de créance ou droit au retrait litigieux est prévu à l’article 1699 du code civil :
« Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite. »
La difficulté provient de la définition que les juges donnent du mot litigieux. Il ne suffit pas que la créance soit contestée, c’est-à-dire que le débiteur conteste devoir une quelconque somme d’argent. Il faut qu’une procédure judiciaire soit en cours au moment de la cession, que cette procédure oppose le créancier initial (ex. la banque) et le débiteur de l’obligation (ex. le bénéficiaire d’un prêt à la consommation), et qu’elle ait pour objet l’obligation au paiement et pas seulement ses modalités (Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 avril 2017, n° 15-24.131, Publié au Bulletin).
Par ailleurs, il faut que la valeur pécuniaire de la créance rachetée soit individualisable. La chose n’a rien d’évident, dans la mesure où les créances sont généralement cédées par lot et où leur valeur n’est pas individualisée. Le juge doit ainsi calculer, lorsque c’est possible, la valeur de la créance pour fixer son prix de rachat (Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 janvier 2012, n° 10-20.972, Publié au Bulletin).
Vous l’aurez compris… les conditions de mise en œuvre du droit au retrait sont très rarement réunies, pour la simple et excellente raison que les créances sont rarement cédées lorsqu’une procédure est en cours.
De fait, le rachat de créance n’a rien d’une solution miracle. Il s’agit d’un outil puissant, dont les conditions de mise en œuvre sont particulièrement strictes.
Topo sur le rachat de créance, ou droit au retrait litigieux
La créance cédée doit faire l’objet d’une contestation devant un tribunal au moment de la cession pour pouvoir être rachetée. |
S’il n’est pas déterminé, son prix doit être déterminable. |
Cet article a été écrit par Raphaël Morenon. |
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