Des textes spécifiques relatifs aux mineurs
Depuis la seconde guerre mondiale, l’esprit du droit pénal des mineurs en France était de faire primer l’éducatif sur le répressif. Un enfant délinquant est avant tout un enfant en danger.
Récemment, le Gouvernement par ordonnance du 11 septembre 2019 a abrogé l’ordonnance du 2 février 1945 relatif à l’enfance délinquante, laissant place à un Code de Justice pénal des mineurs. L’entrée en vigueur de la réforme est prévue pour le 1er octobre 2020.
Il est rappelé que par décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002, l’autonomie de la justice pénale des mineurs est un principal fondamental reconnu par les Lois de la République.
Cela suppose une autonomie substantielle de la matière (primauté de l’éducatif sur le répressif et atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge) et procédurale (magistrats spécialisés et procédures adaptées).
Le Code de Justice pénale des mineurs - pas encore en vigueur ce jour – modifie tant la procédure existante que les différentes mesures et sanctions éducatives existantes.
Une procédure modifiée
En matière de garde-à-vue
Pendant la garde à vue d’un mineur, il est désormais prévu l’obligation pour l’officier de police judiciaire d’informer par tous moyen les représentants légaux, la possibilité pour ces derniers d’assister à l’interrogatoire et le droit pour les représentants légaux de solliciter l’assistance d’un avocat si le mineur n’a pas formulé la demande.
En parallèle, il est porté une atteinte considérable aux droits de la défense puisque les textes prévoient la possibilité du report de la présente de l’avocat lorsque le magistrat compétent estime que « l’assistance d’un avocat n’apparait pas proportionnée au regard des circonstances de l’espèce, la gravité de l’infraction, la complexité de l’affaire et des mesures susceptibles d’être adoptées en rapport avec celle-ci, étant entendu que l’intérêt supérieur de l’enfant demeure une considération primordiale. »
Dès lors, les textes semblent moins protecteurs que pour les majeurs, ce qui est une atteinte considérable aux droits des enfants.
Par ailleurs, désormais, les représentants légaux peuvent assister à la garde à vue d’un mineur, ce qui place l’enfant dans une situation délicate puisqu’il doit non seulement répondre aux enquêteurs mais également faire face aux regards désapprobateurs de ses parents au moment où il est censé s’expliquer sur les faits…
En matière de Jugement
En premier lieu, la phase de mise en examen devant le Juge pour enfants est supprimée.
Désormais, à compter de l’entrée en vigueur du Code de Justice Pénal des mineurs, une première audience est organisée dans un délai de 10 jours à trois mois pour se prononcer sur la culpabilité du mineur.
Cela pose une difficulté certaine puisque le temps laissé entre la mise en examen et l’audience de Jugement laissait aux éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse , le temps d’évoquer les faits et de travailler le positionnement du mineur, à l’enfant le temps de réfléchir aux faits et d’en prendre conscience et au magistrat le temps d’évaluer l’évolution du mineur..
Parfois l’enfant qui n’assumait pas sa responsabilité à l’issue de sa garde à vue, mettait à profit l’accompagnement éducatif délivré par l’éducateur et adoptait un positionnement différent lors de l’audience de jugement.
Par ailleurs, un des objectifs de la réforme est d’accorder davantage de place à la victime, qui pourra être indemnisée plus rapidement dès lors qu’il existe un jugement prononçant la culpabilité.
Dans un second temps, une deuxième audience est organisée dans un délai de six à neuf mois pour se prononcer sur la sanction.
Moins de mesures éducatives, davantage de peines prononcées ?
Un des objectifs du Code de Justice des mineurs était d’améliorer la compréhension des sanctions par le mineur et d’augmenter en lisibilité.
Il est vrai que l’ordonnance du 2 février 1945 prévoyait de nombreuses mesures et sanctions éducatives. Leur distinction n’était pas toujours simple à expliquer.
De fait, concernant les sanctions, il est noté que plusieurs dispositifs éducatifs disparaissent :
C’est le cas de la remise à parents, l’avertissement solennel, l’admonestation, lesquelles sont fusionnées dans l’avertissement judiciaire.
La réparation, la mesure d’activité de jour, la liberté surveillée sont fusionnées dans la mesure éducative Judiciaire.
De fait, il n’existe plus que deux mesures éducatives distinctes. De fait, cela supprime la possibilité de mettre à profit la graduation des mesures éducatives.
Si auparavant, différentes mesures et sanctions éducatives étaient prononcées avant la 1ère peine, la disparition des nombreuses possibilités risque de favoriser le prononcé plus rapide d’une peine dans le parcours délinquant du mineur.
Un décret d’application attendu
Le décret d’application de la réforme de la responsabilité pénale des mineurs devrait être promulgué avant cet automne. Bien qu’il soit nécessaire d’attendre que les textes soient promulgués pour réaliser l’impact de cette réforme, elle inquiète de par la sensation que l’éducatif n’est plus la préoccupation de la justice pénale des mineurs et que désormais la priorité est la répréhension.
Cet article a été écrit par Prisca Vitali. |
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