L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé physique ou mentale du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe. La procédure régie par les textes du code du travail est désormais identique qu’il s’agisse d’une inaptitude d’origine professionnelle ou non. Retour sur les grandes lignes de la procédure d’inaptitude et les conséquences pécuniaires du licenciement pour inaptitude.
La déclaration de l’inaptitude
Conformément aux dispositions des articles L 1226-2 et L 1226-10 du code du travail, seul le médecin du travail peut constater l’inaptitude du salarié à reprendre l’emploi qu’il occupe :
- après avoir réalisé au moins un examen médical, avoir procédé ou fait procéder à une étude de poste, avoir réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et après avoir échangé avec l’employeur ;
- et s’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste.
L’examen médical peut avoir lieu lors de la visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail ou lors de toute visite organisée à la demande de l’employeur ou du salarié. S’il l’estime nécessaire, le médecin du travail peut réaliser un second examen dans un délai maximum de 15 jours après le premier. L’étude du poste occupé permet au médecin du travail de formuler des préconisations sur l'employabilité restante du salarié inapte, en fonction de ses conditions de travail et de son état de santé.
La contestation de l’avis d’inaptitude
La déclaration d’inaptitude peut être contestée par le salarié et par l'employeur dans les 15 jours de la notification de la décision du médecin du travail (article L 4624-7 du code du travail).
Cette contestation relève désormais de la compétence du Conseil de prud’hommes , lequel est saisi selon la procédure accélérée au fond aux fins de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. A noter que les frais d’expertise du médecin-expert doivent être réglés par le demandeur mais ils peuvent être mis à la charge de la partie perdante à l’issue de la procédure.
Le Conseil de prud’hommes a la faculté de désigner un médecin inspecteur du travail. Le médecin du travail n’est pas partie au litige mais doit être informé de cette procédure par le demandeur. La contestation porte uniquement sur les éléments de nature médicale ayant justifié la décision du médecin du travail et la décision rendue par le Conseil des Prud'hommes se substitue à l'avis du médecin du travail contesté.
Les obligations de l’employeur
Lorsque l'inaptitude a été constatée par le médecin du travail, deux obligations principales sont mises à la charge de l’employeur, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non.
L’obligation de reclassement
Sauf exceptions, lorsque le salarié est déclaré inapte, l’employeur doit procéder à son reclassement ou, en cas d’impossibilité de reclassement, engager une procédure de licenciement pour inaptitude. L’employeur doit rechercher s’il peut proposer un autre emploi au salarié inapte, lequel doit être approprié à ses capacités et prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail.
Ces recherches doivent être sérieuses et loyales.
- La consultation des délégués du personnel :
Conformément aux nouvelles dispositions prévues par les articles L 1226-10 et L 1226-2 du code du travail, l’employeur doit obligatoirement consulter les délégués du personnel ou, le cas échéant, le conseil social économique avant de proposer un poste de reclassement, et ce, quelle que soit l’origine de l’inaptitude. L’absence de consultation des délégués du personnel prive le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse.
- Le périmètre de la recherche de reclassement :
La recherche de reclassement s’apprécie au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a restreint l’obligation de reclassement aux seules entreprises d’un groupe, lequel est défini selon les critères du comité de groupe suivant l’article L 2331-1 du code du travail, à savoir les liens capitalistiques entre une entreprise dominante et d’autres entreprises. L’employeur doit rechercher un poste de reclassement approprié, parmi les emplois disponibles dans l’entreprise.
- Les cas de dispense :
Depuis la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux avis d’inaptitude rendus à compter du 1er janvier 2017, si l’avis d’inaptitude porte l’une des deux mentions tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé
ou l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi
, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié pour inaptitude et il est exonéré de l’obligation de rechercher un reclassement (article L 1226-2-1 du code du travail).
Ces nouvelles dispositions ont ainsi mis un terme à la jurisprudence antérieure qui imposait à l’employeur de rechercher un reclassement, et ce, même si le médecin du travail avait indiqué que le salarié était inapte à tout emploi dans l’entreprise.
La reprise du paiement du salaire
Après la déclaration d’inaptitude, l’employeur n’a pas l’obligation de rémunérer le salarié dont le contrat de travail est suspendu. Toutefois, si le salarié inapte n’est ni reclassé, ni licencié à l’expiration d’un délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude, l’employeur doit obligatoirement reprendre le versement du salaire qu’il perçevait avant la suspension du contrat de travail, et ce, en dépit de l’absence de prestation de travail (article L 1226-4 du code du travail).
Le licenciement pour inaptitude
Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il peut engager une procédure de licenciement après avoir fait connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent à son reclassement.
L’inaptitude d’origine non professionnelle
L’employeur doit respecter la procédure applicable au licenciement pour motif personnel. Le salarié a droit au versement de l’indemnité de licenciement, légale ou conventionnelle selon les dispositions les plus favorables. Le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Dès lors, le salarié ne perçoit pas d’indemnité compensatrice de préavis. Toutefois, le préavis est pris en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement.
En cas de licenciement prononcé par l’employeur en méconnaissance de son obligation de reclassement, celui-ci peut être requalifié par la juridiction prud’homale en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Dans ce cas, le salarié peut prétendre au versement de l’indemnité prévue par l’article L 1235-3 suivant le barème d’indemnisation prévu (lequel varie en fonction de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté du salarié).
L’inaptitude d’origine professionnelle
Des règles spécifiques s’appliquent aux salariés inaptes, victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors que l’inaptitude du salarié, quelle que soit le moment où elle est constatée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur a connaissance de cette origine professionnelle à la date du licenciement.
Le licenciement pour inaptitude professionnelle ouvre droit pour le salarié à :
- Une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis prévue à l’article L 1234-5 ;
- Une indemnité spéciale de licenciement, égale au double de celle prévue par l’article L 1234-9.
Si le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, le salarié peut solliciter devant le juge prud’homal sa réintégration dans l’entreprise avec maintien des avantages acquis. En cas de refus de réintégration ou si celle-ci est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité correspondant à six mois de salaires (il s’agit de l’indemnité applicable aux licenciement nuls ou prononcés en violation d’une liberté fondamentale).
La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 a modifié la procédure de licenciement pour inaptitude dans le but de favoriser le reclassement des salariés concernés. En effet, la plupart des déclarations d’inaptitude aboutissent à un licenciement. Les nouvelles dispositions applicables aux avis d’inaptitude délivrés à compter du 1er janvier 2017 tendent à harmoniser les procédures, indépendamment de l’origine de l’inaptitude. Dès lors, l’employeur a l’obligation de procéder à la consultation des délégués du personnel pour recueillir leur avis sur les postes susceptibles d’être proposés au salarié inapte. En outre, l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur a été assouplie, avec l’introduction des cas de dispense de reclassement. Enfin, la Cour de cassation a précisé que le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement pour inaptitude, lorsque le salarié était en arrêt de travail avant la déclaration d’inaptitude, est, selon la formule la plus avantageuse, celui des douze ou des trois mois précédant l’arrêt de travail pour maladie (Cass. Soc. 23 mai 2017, n°15-222.23). Ainsi, il n’est pas tenu compte de la baisse de rémunération liée à l’arrêt maladie du salarié. |
Cet article a été écrit par Laura Lemarié. |
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