Bien qu’elles soient interdites, des inégalités de salaire entre hommes et femmes peuvent exister au sein de certaines entreprises.
Néanmoins, la jurisprudence avance en faveur d’une réelle égalité des rémunérations entre les hommes et les femmes en opérant un contrôle de proportionnalité en matière de droit à la preuve.
L’interdiction des inégalités de traitement en matière de salaire
Le principe de l’égalité de traitement
L’article L.3221-1 du Code du travail dispose que « Tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».
Pour la jurisprudence, la règle d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est une application du principe général « A travail égal, salaire égal ». En effet, la Cour de cassation considère que « l’employeur est tenu d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés soient placés dans une situation identique » (Cass. Soc., 29 octobre 1996, n°92-43.680).
L’employeur ne peut donc mettre en place de différences de traitement entre des salariés placés dans une situation identique, sauf si cette différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs.
La difficulté pour les salariés de prouver une inégalité salariale
La démonstration d’une inégalité salariale peut permettre au salarié lésé d’obtenir un rappel de salaires.
La charge de la preuve est partagée : ainsi, le salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » doit soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il incombe ensuite à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cet écart de rémunération (Cass. Soc., 28 septembre 2004, n°03-41.825).
Or, en pratique, les salariés confrontés à une inégalité salariale peuvent rencontrer des difficultés à rapporter des éléments de faits susceptibles de caractériser une telle inégalité.
En effet, la question du salaire peut s’avérer délicate, voire tabou, et certains collègues de travail peuvent être peu enclins à communiquer de telles informations.
Comment démontrer une inégalité de salaire ?
La possibilité d’obtenir les bulletins de salaire de ses collègues
Dans un arrêt du 8 mars 2023 (n°21-12.492), la Cour de cassation a permis à une salariée qui estimait avoir subi une inégalité salariale par rapport à ses collègues masculins occupant ou ayant occupé le même poste, de solliciter la production par l’employeur des bulletins de salaire de ces derniers.
La salariée fondait sa demande sur l’article 145 du Code de procédure civile qui permet au justiciable, avant tout procès sur le fond et s’il existe un motif légitime, de demander au juge des référés d’ordonner des mesures d’instruction afin de conserver ou d’établir des preuves dont pourrait dépendre la solution du litige.
Ainsi, la Cour de cassation a considéré que le droit à la preuve pouvait justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
Le régime du droit à la preuve en matière d’inégalité salariale
Dans l’arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation facilite l’obtention d’éléments de preuve en cas d’inégalité salariale et livre une méthodologie à suivre pour justifier une demande de communication d’éléments de comparaison comme les bulletins de salaire.
Ainsi, les juges saisis d’une telle demande devront rechercher si cette communication est nécessaire pour prouver l’inégalité de traitement et si elle est proportionnée au but poursuivi.
Ils devront également rechercher s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir cette preuve.
Enfin, si les éléments de comparaison demandés sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, les juges devront vérifier quelles mesures sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée.
L’arrêt du 8 mars 2023 constitue une avancée supplémentaire dans la lutte pour l’égalité hommes-femmes et contre les inégalités professionnelles. Si cette décision a été rendue en matière d’inégalité de traitement entre hommes et femmes, elle pourrait être transposable à d’autres situations, par exemple celle où un salarié estimerait subir une inégalité salariale par rapport à un salarié de même sexe, ayant la même qualification et exerçant les mêmes tâches. |
Cet article a été écrit par Laura Lemarié. |
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