La procédure relative à l’inaptitude peut s’avérer complexe, notamment lorsque l’employeur doit mettre en œuvre son obligation de reclassement.
A l’heure où le télétravail s’est généralisé, les entreprises doivent impérativement l’envisager avant de procéder au licenciement d’un salarié pour inaptitude.
L’obligation de loyauté dans la recherche de reclassement du salarié inapte
L’obligation de rechercher les possibilités d’aménagement de poste
Dès lors que l’inaptitude est établie par le médecin du travail, l’employeur doit chercher à reclasser le salarié. Il ne devra pas se précipiter dans ses recherches de reclassement, lesquelles doivent être menées de façon sérieuse et loyale.
Le Code du travail prévoit que l’employeur doit proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités. L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants, ou aménagement du temps de travail.
L’étendue de l’obligation de reclassement ne se limite donc pas aux postes disponibles existant dans l’entreprise, mais porte également sur les possibilités d’aménagements de postes.
La prise en compte des préconisations du médecin du travail
La proposition de reclassement doit prendre en compte, après avis du Comité social et économique, les conclusions écrites du médecin du travail ainsi que les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise.
L’employeur doit donc effectuer la recherche de reclassement en prenant en compte les préconisations du médecin du travail qui peuvent s’avérer contraignantes.
Le recours au télétravail est de plus en plus préconisé par les médecins du travail dans le cadre d’un reclassement, ce dispositif connaissant un essor important depuis la crise sanitaire et les mesures de confinement. En effet, le télétravail peut, dans certains cas, être une solution de reclassement permettant le maintien des salariés dans leur emploi.
Dans un arrêt du 29 mars 2023 (n°21-15.472), la Cour de cassation a considéré qu’un employeur n’avait pas exécuté loyalement son obligation de reclassement dès lors qu’il avait refusé de reclasser un salarié inapte en télétravail comme préconisé par le médecin du travail, au motif que le télétravail n’avait pas été mis en place dans l’entreprise. La Cour a rappelé que l’aménagement d’un poste en télétravail pouvait résulter d’un simple avenant au contrat de travail. Le fait que le télétravail n’ait pas été mis en place par le biais d’un accord collectif ou d’une charte ne suffit donc pas à empêcher un employeur de reclasser un salarié en télétravail.
Ainsi, si contrairement aux préconisations du médecin du travail, l’employeur n’aménage pas le poste d’un salarié inapte dont les missions peuvent s’exécuter en télétravail, il n’aura pas satisfait de façon loyale à son obligation de reclassement.
Le télétravail : une solution à envisager avant le licenciement
Que faire si l’avis du médecin du travail n’évoque pas le télétravail ?
Dans le cas où le médecin du travail ne mentionne pas de préconisation relative au télétravail, si l’entreprise a recours à ce dispositif, il conviendra à l’employeur de rechercher la possibilité de reclasser le salarié en aménageant son poste en télétravail.
Si l’entreprise n’a pas mis en place le télétravail, l’employeur devra également rechercher cette possibilité, sauf si les missions du salarié ne sont pas compatibles avec ce dispositif.
Il convient de préciser que le passage en télétravail constituera une modification du contrat de travail qui devra être soumise à l’accord du salarié concerné. Ce dernier aura ainsi la possibilité d’accepter ou de refuser l’aménagement de son poste en télétravail.
En outre, si le télétravail peut être une solution de reclassement, ce mode de travail peut faire surgir certaines difficultés que l’employeur devra prendre en compte, tels que l’isolement ou le risque de dépassement du temps de travail du salarié.
Le licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement
L’employeur ne peut procéder au licenciement pour inaptitude du salarié que dans les cas suivants :
- Lorsque l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement ;
- Lorsque le salarié refuse l’emploi proposé par l’employeur dans le cadre de l’obligation de reclassement ;
- Lorsque l’employeur justifie de son impossibilité de reclasser le salarié.
En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur devra faire connaitre par écrit au salarié les motifs qui s’opposent à son reclassement. La lettre de licenciement devra donc mentionner, outre l’inaptitude médicalement constatée, l’impossibilité de reclassement. A défaut, le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse.
Par conséquent, si le reclassement en télétravail était préconisé par le médecin du travail et/ou que les fonctions du salarié pouvaient être effectuées en télétravail, l’employeur qui licencie le salarié inapte devra être en mesure de justifier de l’impossibilité de télétravailler afin de faire face à d’éventuelles contestations.
En cas d’inaptitude d’un salarié, les employeurs devront être vigilants lors de leurs recherches de reclassement, et envisager la possibilité de recourir au télétravail même si l’entreprise ne l’a pas mis en place. Si l’employeur ne satisfait pas de façon loyale à son obligation de reclassement, le salarié sera fondé à agir en contestation de son licenciement devant le Conseil de prud’hommes. Les décisions jurisprudentielles relatives au reclassement en télétravail risquent de se multiplier et de complexifier l’étendue de l’obligation qui pèse sur l’employeur en cas d’inaptitude du salarié. |
Cet article a été écrit par Laura Lemarié. |
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