Le désistement est une notion habituelle en matière de procédure civile qui n’a que rarement l’occasion de poser problème. Et pourtant, à l’occasion d’un arret rendu le 11 janvier 2018, la cour de cassation a complixifié son interprétation en matière de saisie immobilière.
Le désistement
Le désistement, tout dabord, est décrit aux articles 394 à 399 du code de procédure civile. Les articles qui nous intéressent sont les articles 394 et 395.
L’article 394 dispose que :
« Le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance. »
L’article 395 ajoute que :
« Le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur.
Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. »
La solution est logique. Si le demandeur se désiste avant que l’adversaire n’ait fait valoir ses arguments, alors il met automatiquement fin à l’instance sans que le défendeur ne puisse s’opposer.
Si, en revanche, le défendeur a fait valoir des arguments au fond, alors le désistement n’est parfait que s’il est accepté.
Le désistement en matière de saisie immobilière
Par un arrêt en date du 11 janvier 2018, la cour de cassation a été amenée à se prononcer au sujet d’une espèce dans laquelle le créancier, une banque, s’était désisté après avoir reçu des conclusions dans lesquelles les débiteurs opposaient la prescription de la créance.
La cour d’appel avait réformé un jugement dans lequel le juge de l’exécution avait constaté que le désistement de la banque n’était pas parfait du fait de l’absence d’acceptation de ce désistement de la part du débiteur.
En effet, ceux-ci avaient partiellement accepté le désistement de la banque ; partiellement car s’ils acceptaient qu’elle abandonne les poursuites, ils demandaient toutefois au juge de l’exécution de statuer au sujet des demandes reconventionnelles qu’ils présentaient.
Rappelons, en effet, que par application des dispositions de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution est compétent pour statuer au sujet de toutes les demandes nées de la la procédure de saisie immobilière ou s’y rapportant directement.
Article L. 213-16, alinéas 1 à 3, du code de l’organisation judiciaire :
« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. »
Saisie de cette difficulté, la cour de cassation a rejetté le pourvoi des débiteurs au motif que la cour d’appel avait valablement estimé que le désistement du créancier avait pour effet de dessaisir le juge de l’exécution et, par conséquent, de l’empêcher de statuer sur les demandes incidentes : « Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu, sans méconnaître l’objet du litige, que, dès lors que le créancier avait déclaré par conclusions écrites se désister de la procédure de saisie immobilière qu’il avait engagée, le juge de l’exécution n’était plus compétent pour trancher les contestations qui avaient été élevées à l’occasion de celle-ci ni pour statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s’y rapportant ; » (Cass. 2e civ., 11 janv. 2018, n° 16-22.829, Bull. 2018, II, n° 5).
La solution paraît renfermer une part d’injustice : si le débiteur présente une demande de condamnation de la banque au titre de l’abus de saisie par exemple, le désistement du créancier aurait pour effet d’empêcher le juge de l’exécution d’entrer en voie de condamnation.
Cet article a été écrit par Raphaël Morenon. |
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