Lorsqu’une victime d’un accident demande la réparation de son préjudice corporel, tous les préjudices subis doivent faire l’objet d’une indemnisation, en application du principe de réparation intégrale.
Aussi, la nomenclature Dinthilac a listé tous les postes de préjudice (moral ou physique) pouvant être compensés par une indemnité (souffrances endurées, déficit fonctionnel, assistance d’une tierce personne, frais divers… etc.), souvent au moyen d’une expertise médicale, qu’elle soit amiable ou judiciaire.
Parmi les préjudices extra patrimoniaux permanents, le préjudice permanent exceptionnel doit faire l’objet d’une attention particulière.
Le groupe de travail, animé par le président Dintilhac a eu la volonté de rendre la nomenclature « moins rigide » et de prendre en compte des situations particulières :
« Lors de ses travaux, le groupe de travail a pu constater combien il était nécessaire de ne pas retenir une nomenclature trop rigide de la liste des postes de préjudice corporel. Ainsi, il existe des préjudices atypiques qui sont directement liés aux handicaps permanents, dont reste atteint la victime après sa consolidation et dont elle peut légitimement souhaiter obtenir une réparation. A cette fin, dans un souci de pragmatisme – qui a animé le groupe de travail durant ses travaux – il semble important de prévoir un poste « préjudices permanents exceptionnels » qui permettra, le cas échéant, d’indemniser, à titre exceptionnel, tel ou tel préjudice extra-patrimonial permanent particulier non indemnisable par un autre biais. Ainsi, il existe des préjudices extra-patrimoniaux permanents qui prennent une résonance toute particulière soit en raison de la nature des victimes, soit en raison des circonstances ou de la nature de l’accident à l’origine du dommage ».
Pour pouvoir être indemnisé au titre de ce poste de préjudice, il faut que le handicap de la victime prenne une résonnance particulière pour cette dernière. Cela peut être soit en raison de sa personnalité, soit en raison des circonstances et de la nature de l’accident à l’origine du dommage.
Le préjudice exceptionnel caractérisé par la résonance particulière sur le fait de la personne
Concernant le préjudice exceptionnel d’une victime caractérisé par la résonance particulière sur le fait de la personne, il y a par exemple :
- Le fait pour une personne japonaise victime d’une raideur à la colonne vertébrale de ne pas pouvoir s’incliner pour saluer ce qui est signe d’une grande impolitesse dans son pays d’origine.
- Le fait du père qui, amputé de plusieurs doigts à chaque main, ne peut plus dialoguer en langage des signes avec sa fille sourde
Le préjudice exceptionnel peut également être évoqué lors de catastrophes naturelles, industrielles ou d’attentats, en raison du caractère collectif pouvant exister.
Concernant les victimes d’accidents collectifs, on peut citer comme exemple la catastrophe liée à l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001, les accidents aériens, maritimes (Costa Concordia) mais aussi les accidents sanitaires sériels avec l’affaire du Mediator par exemple.
L’indemnisation du préjudice exceptionnel
Il convient de préciser que l’indemnisation ne doit pas faire double emploi avec une prise en charge au titre d’un autre poste de préjudice tel que le déficit fonctionnel permanent ou encore avec le fait que la valeur du point d’AIPP (atteinte à l’intégrité physique permanente) a pu être majoré du fait de cette circonstance exceptionnelle. De fait, la question de la double indemnisation est au cœur des préoccupations de la jurisprudence, ce qui explique la limitation du préjudice permanent exceptionnel à des situations rares et atypiques.
Ce poste de préjudice s’applique donc à des préjudices hors du commun, qui se distingue de ce qui est normalement admis. C’est la raison pour laquelle il apparaît peu dans les décisions de Justice.
Si l’un parvient à caractériser l’existence de ce préjudice, il faudra ensuite en évaluer l’importance qui elle aussi, s’avère complexe. En effet, cette évaluation est descriptive et on ne peut pas quantifier ce poste comme on pourrait le faire pour le déficit fonctionnel permanent par exemple. Ce poste de préjudice est apprécié de manière souveraine par les juges du fond en tenant compte des circonstances propres au cas par cas. Par exemple, la cour d’appel de Paris a fixé à 100 000 euros le préjudice permanent exceptionnel d’une victime de l’attentat de Karachi.
Cet article a été écrit par Jennifer Attanasio. |
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